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La nouvelle génération se souviendra longtemps encore de Joubert Charles
Par Colas

Le P.D.-G de Nouvel Jenerasyon Records a été aussi emporté par le cruel séisme du 12 janvier qui a fait plus de 217 000 morts, des centaines de milliers de blessés et de sans-abri

Joubert Charles, l’un des plus grands promoteurs de la musique de danse haïtienne, le Compas direct, est mort dans le séisme. Il était le P.D.-G de la compagnie Nouvèl Jenerasyon Records et manager du groupe "Kreyòl La" et représentant de quelques groupes Compas en diaspora, dont Carimi et Harmonik.

[Photo Colas / Image Nouvelle]

Ont été aussi emportés vers l’au-delà par ce séisme d’une cruauté sans borne qui a frappé Haïti le 12 janvier denier plusieurs autres musiciens :

Ronald Rodrigue, chanteur de charme, était maestro d’une chorale religieuse. Il travaillait, juste avant sa mort, à la Banque de la République d’Haïti (BRH). Il participait, dans l’après-midi du mardi 12 janvier, à une réunion à ’Eglise du Sacré-Coeur de Turgeau quand celle-ci s’est effondrée par la secousse tellurique d’une magnitude de 7.3 sur l’échelle de Richter.

Young Cliff, le plus jeune des rappeurs de Barikad Crew, sauvé de justesse de la mort, en juin 2008, quand 4 des MCs du groupe ont été tués dans un terrible accident de la circulation.

Jimmy O, celui qui, après la mort de Master J (trop tôt décédé), allait prendre la relève pour faire avancer le rap créole en faisant tout ce qu’il pouvait pour empêcher la disparition du mouvement en extirpant l’esprit de division qui commençait à prendre racine dans l’esprit des rappeurs. Il a été aussi un protégé du célèbre chanteur hip-hop Wiclef Jean qui, jusqu’à ce jour, n’a pas fait assez pour aider Barikad et Rockfam, les 2 groupes rap les plus populaires du moment, à faire la paix.

Peterson Louis, batteur

Smith St-Félix, bassiste

Full Basse, à part sont talent dans la musique, commençait à coup sûr, par se faire un nom dans la publicité audio-visuelle.

La mort, le plus grand ennemi de l’homme

Joubert Charles était le représentant du Festival de Miami pour Haïti et le collaborateur immédiat de Rodney Noël, l’organisateur principal de ce festival. Il assurait la coordination des formations musicales d’Haïti devant participer avec celles de la diaspora ainsi que le recrutement des animateurs de Radio admis à assurer la couverture du plus grand festival compas dans le monde. Tout comme certains groupes musicaux, ces "travailleurs du compas" (toujours les mêmes dans la plupart des cas), bénéficiaient énormément de la faveur de ce grand promoteur qui a eu la malchance, c’est dommage pour notre musique dansante, (comme les 200 000 autres victimes de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Il se trouvait pendant ce séisme au local de Radio Télé Ginen qui, comme plusieurs autres bâtiments, n’a pas pu résister à la puissance de ce séisme dévastateur. Joubert a étéalors grièvement blessé. Conduit d’urgence dans un hôpital, il a dû malgré tout succomber à ses blessures.

[Photo Colas / Image Nouvelle]
Le départ inattendu de Joubert, qui était aussi un disquaire bien connu, laisse un grand vide dans le monde musical haïtien. Le compas portera encore longtemps le deuil de celui qui, année après année, innovait pour garder en vie le rythme Compas qui n’a cessé de dégringoler face à la montée vertigineuse de la tendance rap. Pour y faire face, il organisait régulièrement certaines activités musicales. Il a mis sur pied à Port-au-Prince, il y a trois ans, le Festival Ayiti Men Konpa en faisant venir en Haïti plusieurs groupes compas évoluant notamment aux USA (toujours les mêmes, vous diront certains groupes musicaux qui n’ont pas été encore invités à participer).

Deux fois par année, il organise des tournées en invitant quelques formations musicales, dont Carimi, T-Vice, Zenglen, Zin, à venir se retremper dans l’ambiance du terroir et animer plusieurs soirées dansantes où ces groupes jouent le plus souvent à guichet fermé car les fans (particulièrement des jeunes) répondent à presque toujours à toutes les invitations.

En dehors de tout ça, sa maison de production a investi dans des CDs COMPAS et autres tendances en dépit de la montée grandissante des CDs contrefaits sur le marché haïtien et l’audace des pirates puisqu’il n’y a, quoiqu’on dise, aucune loi protègeant vraiment la production musicale haïtienne. Ainsi, un producteur en Haïti doit avoir suffisamment de détermination, de courage et d’amour pour investir dans la production d’un album, lorsqu’on sait, au départ, qu’on court le risque, à 60% et plus, de perdre tout son investissement.

[Photo Colas / Image Nouvelle]
 Un dernier hommage

Les funérailles de Joubert Charles ont été chantées au Parc du Souvenir à Tabarre. La dépouille mortelle a été inhumée au même endroit en présence de quelques parents, d’un nombre restreint de musiciens, d’ingénieurs de son, d’animateurs de Compas, de travailleurs de la Presse, de quelques amants de la musique qui étaient venus en ce samedi 23 janvier lui rendre un dernier hommage.

N’était-ce dans cette circonstance tout à fait particulière où l’on faisait vite pour enterrer les morts, — faute de trouver des pompes funèbres à même de recevoir des cadavres, tant il y en avait —, où pas mal de gens ont dû laisser le pays, ne pouvant plus supporter le stress, étant trop traumatisé, on aurait vu la présence de Philippe Saint-Louis de Radio Galaxie, de DJ JC Mix, de DJ Fanfan, de Philippe Oriol et d’autres amis du défunt.

Les musiciens de Carimi, Nu Look, Zenglen, Zin, Harmonik et plusieurs autres amants du compas vivant en diaspora n’ont pas eu le privilège (l’aéoport Toussaint Louverture étant fermé alors aux lignes commerciales) de saluer le départ éternel d’un si grand admirateur du Compas.

[Photo Colas / Image Nouvelle]

Nul ne sait de quoi demain sera fait

La mort soudaine de Joubert Charles nous invite une fois encore à la réflexion et à nous poser peut-être la question suivante : Qu’est-ce que l’homme ? Le créateur répond par la plume de son apôtre Jacques : Vous êtes une vapeur qui paraît pour un peu de temps et qui ensuite disparaît. Parfois, un peu trop vite, dirons-nous, car la vie, bien des fois, est tellement belle. Quand la mort frappe à la porte au moment le plus inattendu, c’est alors que nous nous rappelons que nous sommes poussière et à quel point la vie humaine est fragile et éphémère — beaucoup trop éphémère qu’on ne saurait l’imaginer.

Il faudrait écrire tout un livre pour parler de ce grand amant du compas qui prenait énormément de plaisir dans ce qu’il faisait tout en gardant, comme dirait l’autre, le sens du sérieux — sinon, il ne se serait pas trouvé dans le studio d’enregistrement d’une station de radio en ce jouir maudit. Il y était (permets-moi au moins de supposer) juste pour promouvoir davantage cette musique qu’il a toujours aimée et chérie.

Que son âme repose en paix !
Article original

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